Par Jean Wesley Pierre
Port-au-Prince, avril 2025 — Vendredi 25 avril 2025, déjà 12 mois depuis l’installation du Conseil présidentiel de transition, 12 mois de promesses de sécurité, promesse d’élections, 12 mois de mauvaises gestions de l’élite politique haïtienne, économique combinée. Haïti sombre dans une crise sans précédent. Tandis que le gouvernement, le Conseil présidentiel de transition et le monde semble détourner les yeux, la situation sécuritaire, économique et sociale du pays s’aggrave de jour en jour. Ce qui se joue actuellement sur le territoire haïtien n’est pas uniquement une crise nationale, mais une menace latente pour la stabilité régionale, une bombe sociale et économique qui pourrait éclater au-delà des frontières de cette nation noire et fière.
La violence des gangs, devenue endémique, a paralysé les grandes artères économiques de la capitale. À Port-au-Prince, des quartiers entiers sont assiégés, les routes commerciales stratégiques sont bloquées, les convois de marchandises détournés ou attaqués, les rues, ruelles, les avenues et quartiers sont à présent des LAKOU, certains installent une barrière pour se protéger des gangs puisque le gouvernement et la police nationale haïtienne ne peuvent pas jouer ce rôle qui leur incombe.
Comme résultat, des milliers de petites entreprises ont fermé leurs portes. Des commerçants, des artisans, des restaurateurs, n’ont d’autre choix que de se retirer, poussés par la peur, ruinés par les extorsions, ou tout simplement dans l’incapacité d’acheminer ou de vendre leurs produits.
Symbole de cette déchéance, l’hôtel Marriott, fleuron de la modernité touristique haïtienne, installé avec fierté à Turgeau en 2015, a annoncé la fermeture de ses portes. Ce lieu, autrefois perçu comme l’incarnation d’un nouveau départ économique, d’un nouveau départ pour le tourisme Haïtien, n’aura pas survécu au climat de violence et d’instabilité. Avec lui, ce sont plus d’une centaine d’employés, formés, compétents, qui se retrouvent au chômage, et une image entamée pour un pays qui espérait relancer son secteur touristique.
L’économie informelle, pilier vital de la survie quotidienne de millions d’Haïtiens, est également frappée de plein fouet. Les MADAN SARA, ces femmes courageuses venues des coins reculés du pays pour vendre leur production dans les centres urbains, sont aujourd’hui contraintes à l’inaction. Les marchés se vident, la peur prend la place des échanges. Dans les rues, les petits marchands ne peuvent plus vaquer à leurs activités, pris au piège entre la violence et l’effondrement du pouvoir d’achat.
La récession semble devenue chronique. Pour la septième année consécutive, Haïti connaîtra une contraction économique, avec une baisse estimée à 0,5 % du PIB en 2025, selon la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe (CEPALC). Selon un jeune étudiant en économie à l’université d’état d’Haïti, membre de la KOMINOTE PWOGRESIS AYISYEN (KPA) affirme clairement qu’aucun changement, qu’aucun progrès n’est à prévoir malgré les projets de BID et du gouvernement, et qu’au final, le pouvoir d’achat des haïtiens est loin du répit. L’inflation, bien qu’en léger recul, demeure à un niveau alarmant de 27,9 %, rongeant chaque jour davantage le pouvoir d’achat des foyers, notamment les plus vulnérables dont le revenu est presque exclusivement dédié à se nourrir.
Face à l’abandon des services de l’État, la diaspora haïtienne continue de porter le pays à bout de bras. En 2024, elle a envoyé un montant record de 4,11 milliards de dollars, une perfusion essentielle mais qui ne saurait compenser l’effondrement de l’appareil productif local, ni corriger l’absence de politiques publiques structurantes, l’irresponsabilité des dirigeants.
Malgré l’appui de la Banque mondiale, qui a récemment validé un partenariat stratégique de 320 millions de dollars sur cinq ans, et un programme du FMI pour soutenir les réformes économiques, la réalité du terrain est implacable : aucune relance ne sera possible tant que la sécurité ne sera pas rétablie, tant que l’État ne reprendra pas le contrôle de son territoire et de ses institutions. Tant que les gangs n’auront pas payés pour leur crimes.
Il est temps d’exiger des réponses fermes et coordonnées. Le gouvernement de transition, à travers le Premier ministre, les conseillers présidentiels, le ministère du Commerce et de l’Industrie, le gouverneur de la Banque centrale, la Police nationale et le ministère de la Défense, doit cesser de fuir ses responsabilités. L’heure n’est plus aux déclarations, mais à l’action. Le temps des promesses est révolu.
Le monde ne peut plus ignorer Haïti. La détérioration continue du pays risque de provoquer un exode massif, de déstabiliser la région caribéenne, d’alimenter la criminalité transfrontalière, et de compromettre toute perspective de paix sociale durable.
Haïti n’est pas un pays condamné. Mais il faut du courage, de la volonté politique, et une solidarité internationale qui aille au-delà de la compassion. Il faut, surtout, que ceux qui ont entre les mains les leviers de décision prennent enfin conscience que chaque jour sans action est une blessure supplémentaire infligée à un peuple déjà à genoux, il faut qu’ils comprennent que cette nation libre, fière ne peut en aucun cas se permettre d’avoir des fils et filles indignes de leur histoires.
Il est encore temps. Mais plus pour longtemps.
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