Par Jean Wesley Pierre
Six mois après sa condamnation à deux ans de prison, dont un an avec sursis, pour agressions sexuelles aggravées, Saïd Chabane, propriétaire du club de foot-ball “Angers SCO”, sera de nouveau jugé par la cour d’appel d’Angers ce 28 avril 2025. Une énième étape dans un parcours judiciaire où la lenteur et la complexité semblent jouer en faveur d’un puissant plutôt qu’en faveur des victimes.
La nouvelle, révélée par L’Équipe, interpelle. Comment ne pas s’indigner devant cette situation où un homme reconnu coupable en première instance peut, en toute légalité, prolonger une procédure, semer le doute, ralentir l’exécution de la justice ? Pendant ce temps, les victimes, elles, attendent. Encore. Toujours.
Car derrière les termes froids de la procédure, appel, arrêt, réquisitions. Il y a des femmes, des victimes de violences sexuelles, dont la parole est systématiquement soumise à une rude épreuve. Chaque délai, chaque renvoi, chaque « reprise de zéro », comme le précise l’avocat de Chabane, n’est pas une simple formalité : c’est un rappel brutal que le système judiciaire français, malgré les discours, peine à protéger et à respecter les survivantes.
Le pouvoir et l’argent semblent encore accorder à certains hommes un bouclier contre la honte publique et la réparation judiciaire. Saïd Chabane n’en est pas à son premier dossier : une autre affaire, celle de complicité d’exercice illégal d’agent sportif et de blanchiment en bande organisée, dans laquelle il avait été relaxé, revient elle aussi en appel. Preuve que l’homme d’affaires, propriétaire d’un club emblématique, navigue sans trop d’encombres entre les failles de la République.
Cette affaire illustre tristement la justice à deux vitesses qui persiste en France, et dans le reste du monde. Une pour les puissants, capables de multiplier les recours, de s’offrir des défenseurs chevronnés, de jouer la montre jusqu’à l’essoufflement des plaignantes. Une autre pour les anonymes, pour celles et ceux qui, faute de moyens, doivent se contenter d’attendre et d’espérer.
Depuis #MeToo, depuis les promesses répétées des pouvoirs publics de « ne plus laisser passer », les faits démontrent que le combat est loin d’être gagné. Le système reste lent, complexe, épuisant pour les victimes. Et encore trop clément pour les auteurs présumés ou condamnés, surtout quand ils appartiennent à des sphères de pouvoir.
Face à cela, il est urgent de rappeler que la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes, pour la reconnaissance pleine et entière des violences sexuelles, n’est pas finie. Que chaque affaire de ce type doit être scrutée, relayée, commentée, non pour assouvir une soif de scandale, mais pour exiger que justice soit enfin rendue rapidement, équitablement, efficacement.
Nous ne pouvons pas accepter que des hommes condamnés pour des agressions sexuelles puissent continuer à peser sur des clubs, sur des institutions, sur des vies.
Nous devons continuer à nous battre pour que la parole des victimes ne soit pas, une fois de plus, balayée sous le tapis d’un interminable processus judiciaire.
Ce 28 avril 2025 sera un jour de procès. Espérons qu’il soit aussi un jour de vérité et de justice. Une vraie justice. Celle qui respecte d’abord celles qui ont eu le courage de parler.
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