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Par Jean Wesley Pierre

Avril 2025 — Tandis que le ciel hésite entre giboulées tardives et premiers éclats de soleil, les rues de France, elles, ne tergiversent pas : elles grondent. Le pays est traversé par une vague de mobilisations sociales aux visages multiples, comme si toutes les fractures du territoire, longtemps contenues, s’étaient données rendez-vous au seuil du printemps. La France se réveille, explique certains experts.

Cela fait des mois que les campagnes françaises fulminent. Depuis novembre 2024, les tracteurs roulent plus pour bloquer que pour moissonner. Derrière les manettes, les agriculteurs dénoncent une agriculture sacrifiée sur l’autel du commerce mondial. Accord UE-Mercosur, importations ukrainiennes dédouanées, normes toujours plus exigeantes et prix toujours plus écrasés : c’est une profession à bout de souffle qui s’organise, blocage après blocage, avec l’appui d’organisations puissantes comme la FNSEA ou la Coordination rurale. L’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, terres agricoles par excellence, sont devenues les épicentres d’une contestation que le gouvernement peine à désamorcer.

Le 5 avril, les rues de Paris ont résonné autrement. Une marche haute en couleurs, mais ferme sur le fond, a serpenté de la science à la politique : du Muséum National d’Histoire Naturelle jusqu’au Ministère de la Santé. Baptisée “Printemps Bruyant”, cette mobilisation orchestrée par Extinction Rebellion et Scientifiques en Rébellion a mis les pesticides sur la sellette. Les manifestants y réclamaient une agriculture réinventée, respectueuse du vivant. Une protestation joyeuse, familiale, mais qui ne masque plus l’urgence climatique ni la méfiance grandissante envers les politiques publiques environnementales.

Le 3 avril, c’est la fonction publique qui est entrée en scène, dans un relatif silence médiatique. Peu suivie, certes, la journée d’action n’en était pas moins symbolique : c’était le coup d’envoi du “Printemps des services publics”, une campagne syndicale d’ampleur pour redonner souffle et sens à des métiers en première ligne, usés jusqu’à la corde. Rémunérations insuffisantes, retraites repoussées, salaires amputés en cas de maladie : les griefs sont nombreux, les moyens d’action, plus limités. Mais la détermination, elle, persiste.

Dès le 1er avril, les soignants et travailleurs sociaux ont donné le ton. Ce n’était pas un poisson : cinq syndicats ont appelé à crier haut et fort ce que chacun constate bas et fort depuis des années. Manque de reconnaissance, conditions de travail délétères, négociations gelées : les professionnels du soin, du lien et de l’accompagnement social réclament justice salariale et dignité professionnelle. Et dans un pays qui peine à recruter dans ces secteurs vitaux, leur mobilisation est un cri d’alerte à ne plus ignorer.

Même les caméras se sont arrêtées. Fin mars, début avril, les journalistes et techniciens de France Télévisions ont cessé d’informer… pour informer sur eux-mêmes. En ligne de mire : une réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public jugée liberticide. Derrière les luttes internes, c’est l’avenir de l’indépendance éditoriale et du pluralisme de l’information qui se joue. Et si les médias se lèvent, c’est peut-être que la démocratie titube.

Enfin, le 20 mars, les retraités ont ouvert le bal de cette séquence sociale. Portés par l’Union Confédérale des Retraité·es CGT, ils ont revendiqué plus que des chiffres : une dignité retrouvée. Revalorisation immédiate des pensions, relèvement des minima sociaux, défense d’une protection sociale en péril… C’est une génération souvent invisible qui s’est rendue visible, debout dans les cortèges.

Ce printemps 2025 ne ressemble pas à une insurrection. C’est un chapelet de colères, diffuses mais profondes. Des foyers sociaux allumés un peu partout, sur fond d’inquiétude démocratique, d’épuisement économique et d’urgence écologique. Et si le pouvoir espère éteindre chaque feu individuellement, c’est peut-être qu’il ne voit pas l’incendie plus vaste : celui d’une société qui réclame du respect, de l’écoute, et un autre avenir.

Catégories : Atualités

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