Par : Jean Wesley Pierre
La scène est devenue tristement banale. Des coups de feu éclatent, des corps sans vie gisent au sol, et un silence officiel, presque complice, s’installe. Mercredi 23 avril 2025, à Pacot, dans les areas de Turgeau, des brigadiers ont été, lâchement, exécutés par des gangs lourdement armés. Le même jour, la Police nationale haïtienne perdait encore des hommes. Et ce week-end, c’est le propre entourage du Directeur Général de la PNH, M. Normil Rameau, et du magistrat de Pétion-Ville, M. Kesner Normil, qui a été frappé de plein fouet par la violence : Un proche aurait été assassiné, un autre aurait été kidnappé à Kenscoff, selon les informations. Une tragédie de plus, dans une République devenue otage de l’impunité.
Les mots manquent pour qualifier l’irresponsabilité abyssale du Conseil présidentiel de transition présidé par M. Fritz Alphonse Jean, et du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé qui avaient fait la promesse d’assurer à ce peuple la sécurité qu’il espérait tant. Tandis que les bandits règnent en maîtres sur des portions entières du territoire national, ces dirigeants temporaires, dont la légitimité est déjà sujette à caution, se retranchent dans le confort de leur inaction, brandissant des discours creux et des communiqués vides de substance.
Le peuple est abandonné. Les policiers sont livrés à eux-mêmes, envoyés en première ligne avec un équipement dérisoire et une stratégie inexistante. Ils tombent les uns après les autres, non pas dans le cadre d’une guerre pour la justice, mais dans une guerre sans fin, mal préparée, sans commandement réel, contre des groupes que beaucoup soupçonnent d’être alimentés ou tolérés par certaines élites politiques et économiques.
Et pendant que les rues s’emplissent de sang de nos frères haïtiens dont leur seul mal s’est de vouloir aider le pays, le gouvernement se fend d’une note hypocrite, saluant la mémoire des brigadiers tombés à Pacot. Une note qui ne dit rien du fait que ces citoyens, bien souvent sans formation militaire, tentaient de remplir le vide laissé par une armée démissionnaire, une police débordée, et des institutions totalement discréditées. Une note qui, une fois de plus, fait semblant d’ignorer la véritable question : qui protège encore le peuple haïtien ?
Il ne s’agit plus seulement d’un échec de gouvernance. Il s’agit d’une trahison. Une trahison envers ceux qui croient encore en cette terre, qui résistent au départ, qui tentent de vivre dignement au cœur du chaos. Le Conseil présidentiel de transition, censé incarner une nouvelle étape, un retour progressif à la stabilité, n’est aujourd’hui qu’un groupe d’hommes assis sur des ruines, se passant la parole comme s’ils avaient le luxe du temps, un groupe d’hommes faisant la lutte du “wete kò’w, banm met pa’m”.
Quant à Alix Didier Fils-Aimé, son silence assourdissant face à la montée de la barbarie est une insulte à sa fonction. Son absence de leadership réel en pleine crise témoigne d’une incapacité dramatique à gouverner. L’histoire retiendra-t-elle que pendant que la nation sombrait, ses dirigeants prenaient des poses de diplomates dans des salons climatisés ?
Il est temps de dire les choses telles qu’elles sont : l’État haïtien a failli. Et tant que ceux qui le dirigent ne seront pas tenus pour responsables, moralement, politiquement, et peut-être juridiquement, le sang continuera de couler, les familles de pleurer, et la République de s’effondrer.
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