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Dans tous les pays du monde, au moins une personne sur deux fait face à ce qu’on appelle le harcèlement : des comportements ou propos répétés à connotation sexuelle, sexiste ou abusive, qui portent atteinte à la dignité d’une personne ou créent un climat intimidant, hostile ou offensant.

En Haïti, le harcèlement reste largement sous-estimé, souvent ignoré par les parents, les enseignants et même l’entourage proche des victimes. Peu importe la forme qu’il prend : physique, moral, sexuel ou virtuel — la tendance est encore trop souvent à blâmer la victime plutôt qu’à sanctionner l’agresseur, qui peut être un membre de la famille, un collègue ou un camarade de classe.

Les enfants, adolescents et jeunes adultes sont particulièrement vulnérables, exposés à des abus dans tous les espaces de leur quotidien : à l’école, au travail, dans les transports en commun ou même dans leur propre foyer.

Un cadre légal tardif et peu appliqué

Avant 2020, aucune loi haïtienne ne punissait directement le harcèlement. Comme l’a souligné Me Patrick Laurent dans une interview pour Le Nouvelliste en 2014, le terme “harcèlement” n’existait même pas dans le Code pénal. Il a fallu attendre une réforme pour voir apparaître des articles spécifiques :

Article 307 : Harcèlement sexuel — Passible de 6 mois à 1 an de prison et d’une amende de 10 000 à 25 000 gourdes. La peine est aggravée à 3 ans de prison et 75 000 gourdes d’amende en cas de menaces ou d’agression collective, et doublée si la victime est mineure.

Article 308 : Harcèlement par abus d’autorité — Puni de 6 mois à 1 an de prison et 15 000 à 25 000 gourdes d’amende, avec des peines doublées si la victime a moins de 15 ans.

Article 312 : Harcèlement moral — Sanctionné de 6 mois à 1 an de prison et 10 000 à 25 000 gourdes d’amende, pour des comportements répétés qui détériorent les conditions de travail ou nuisent à la santé mentale et physique.

Malgré ces avancées législatives, l’application de ces lois reste rare et inégale. En 2025, la justice haïtienne apparaît encore inaccessible pour la majorité des victimes, et les cas de harcèlement — y compris les agressions sexuelles — continuent d’augmenter, en grande partie en raison de l’impunité généralisée et du manque de ressources pour soutenir les survivants.

L’impact du harcèlement sur la santé mentale des jeunes

L’absence de prise en charge aggrave les conséquences psychologiques pour les victimes, qui développent des troubles anxieux, des dépressions sévères et, dans les cas les plus extrêmes, des comportements suicidaires. L’éducation familiale, souvent marquée par des tabous et des schémas de domination, pousse certains jeunes à intérioriser leur souffrance ou à basculer dans la violence.

Avec l’essor des réseaux sociaux, le cyberharcèlement est devenu un autre fléau : selon un sondage U-Report, 29 % des jeunes interrogés en Haïti ont déjà été victimes de harcèlement en ligne. Les attaques anonymes, les humiliations publiques et les campagnes de haine amplifient l’isolement des victimes, qui se retrouvent sans refuge, même dans l’espace virtuel.

Dans les écoles, le harcèlement scolaire reste sous-documenté, faute de statistiques officielles. Pourtant, les témoignages sont nombreux : élèves moqués, agressés, exclus socialement. Faute de soutien psychologique et de dispositifs de prévention, ces situations peuvent conduire au décrochage scolaire, à des automutilations, voire au suicide.

Le harcèlement, sous toutes ses formes, est un problème systémique qui détruit des vies et compromet l’avenir de la jeunesse haïtienne. La sous-estimation de ses effets sur la santé mentale des jeunes ne fait qu’enraciner la souffrance dans le silence et l’indifférence. Mais il est encore temps d’agir.

La sensibilisation à grande échelle, l’intégration de la santé mentale dans les politiques publiques, la formation des enseignants et des forces de l’ordre, ainsi que la mise en place de cellules d’écoute accessibles et gratuites sont autant de leviers pour inverser la tendance. Il est aussi essentiel d’encourager la parole des victimes, de briser la culture du blâme et de rétablir la confiance dans un système judiciaire capable de protéger les plus vulnérables.

Si nous voulons construire un avenir plus juste pour les jeunes haïtiens, il est impératif que la société tout entière — de la familles aux institutions gouvernementales et autres — se mobilisent pour faire du combat contre le harcèlement une priorité absolue. Parce qu’aucun enfant, aucun adolescent, aucun être humain ne devrait être condamné à souffrir en silence.

Wedjeene M.C Lavalasse

Catégories : Atualités

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