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Par Jean Wesley Pierre

L’industrie de la musique, de nos jours, est animée par le phénomène du plagiat, de l’interprétation et des conflits liés aux droits d’auteur. Ce samedi 26 avril 2025, la rédaction de Lawouze Info se permet de vous aider à mieux comprendre de quoi il s’agit.

Dans un climat musical de plus en plus sensible aux questions de droits d’auteur et de propriété intellectuelle, l’affaire qui oppose Fabrice Rouzier à Joe Dwet File et Burna Boy autour de la chanson “4 Kanpe” soulève une question bien plus profonde qu’un simple conflit judiciaire : à qui appartient réellement l’âme d’une chanson populaire portée par tout un peuple depuis des décennies ?

Fabrice Rouzier, pianiste, producteur et entrepreneur haïtien de renom, accuse Joe Dwet File, jeune étoile franco-haïtienne, de plagiat concernant cette œuvre. Une action en justice a été intentée. Pourtant, il suffit d’un regard honnête sur l’histoire musicale d’Haïti pour constater une réalité incontestable : “4 Kanpe” n’est pas une création contemporaine. Ce morceau fait partie d’une tradition orale, partageant la vie, la réalité, le plaisir des oreilles de plusieurs générations, réinterprétée bien avant Rouzier, par Jean Lucien, alias Frère Dodo, une légende discrète mais ô combien influente du mouvement troubadour.

Frère Dodo, depuis plus de trois décennies, parcourt Haïti et ses diasporas en semant ses notes de guitare et de banjo, dans une pratique pure du troubadour haïtien, où l’oralité et la réinterprétation sont reines. “4 Kanpe” rebaptisé par Joe Dwèt File, “Je vais” rebaptiséou tant d’autres titres encore, comme tant d’autres morceaux issus du répertoire populaire haïtien, appartient avant tout à la mémoire collective. Il est insensé, et même culturellement irresponsable, de vouloir aujourd’hui s’approprier ce patrimoine commun au nom d’intérêts privés.

Fabrice Rouzier lui-même, bien qu’artiste accompli, n’a pas inventé cette chanson. Il l’a interprétée, arrangée peut-être, mais certainement pas composée. Reprocher à d’autres artistes d’en faire de même revient à nier ce que représente la musique haïtienne : un legs vivant, transmis de bouche à oreille, de guitare en guitare, sans qu’un auteur unique ne puisse en réclamer la propriété, ne puisse se vanter d’être l’auteur original.

Il est donc crucial, dans ce genre de situation, de ne pas céder à la tentation de la marchandisation pure de notre culture. La véritable richesse de la musique haïtienne réside dans sa capacité à vivre et évoluer à travers les générations, à traverser les frontières sans s’enfermer dans des brevets ou des procès.

Soutenir la musique haïtienne aujourd’hui, c’est refuser qu’on enferme l’âme populaire dans un coffre juridique, c’est partager le plaisir, le quotidien haïtiens avec le monde entier. C’est reconnaître que des œuvres comme “4 Kanpe” ne sont pas des produits d’un seul, mais l’écho vibrant de toute une nation, chanté sur les places publiques, dans les soirées, dans les rues, souvent sans qu’on sache même d’où elles viennent exactement.

À l’heure où Haïti lutte pour préserver son identité culturelle face à l’adversité, il est essentiel de rendre à César ce qui est à César : “4 Kanpe” appartient à Joe dwèt File, à Fabrice Rouzier, à Tonton Bicha, à frère Dodo, à Haïti, aux Haïtiens, pas à un individu.

Que la musique vive, libre et fidèle à son essence !

Catégories : Culture

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